Auguste Barrau, journaliste et poète décadent

   Auguste Barrau est né à Challans en juillet 1856. Sa prime jeunesse et ses études sont mal connues, mais on sait qu’il se retrouva à paris, plus précisément à Montmartre, autour de ses vingt ans. Il y fréquenta les milieux bohèmes, les tavernes et le boulevard de Montmartre de ce dernier quart du XIXème siècle. Il appartint durant ce temps aux sociétés bachiques et plus particulièrement aux Hydropathes (« ceux que l’eau rend malades ») entre 1878 et 1881, ce club littéraire fondé par Emile Goudeau (Ça ne s’invente pas !) où l’on clamait son aversion de l’eau mais où l’on déclamait ses vers en célébrant dignement la littérature et la poésie, lors de réunion régulières dans un bistrot du Quartier Latin.

   Le club publia également une revue, pas moins de trente-deux numéros en à peine deux ans. Nul doute qu’Auguste Barrau trouva place dans cette pittoresque confrérie, y côtoyant des Paul Arène, François Coppée, Charles Cros, Jules Laforgue, Maurice Rollinat, Georges Rodenbach ou Jean Richepin. On dit quelque part que physiquement, il avait quelque ressemblance avec Alfred de Musset qui fut le dandy et le grand poète que l’on sait. Peut-être cette ressemblance traça-t-elle le chemin de Barrau dans ce milieu inattendu ? Il resta en tout cas toujours fidèle à ce mouvement, puisqu’il participa au cinquantième anniversaire du club en 1928, alors qu’il n’avait plus rien de l’étudiant de ses débuts.

   Revenu en Vendée à Challans, il fréquenta ensuite beaucoup la Bretagne, ramenant  de l’une et de l’autre de nombreux et avisés récits de voyage. Il continua une vie d’écrivain, de critique littéraire et de journaliste, auprès de « Démocratie Vendéenne », par exemple, et fut aussi correspondant de « La Revue de Paris et de Champagne ». Il publia surtout des articles dans des journaux politiques de province ou de Paris, comme « Le Phare de la Loire », collaborant également à la Revue du Bas-Poitou, et appartenant à plusieurs associations comme la Société des auteurs dramatiques, la Société des poètes français et la Société des auteurs et des gens de Lettres. Il mourut à Challans, un peu oublié en février 1940.

   L’œuvre d’Auguste Barrau est intéressante par le témoignage qu’elle apporte sur la bohème littéraire de Montmartre qu’il décrit dans son récit de 1887 « La vie artiste ». Il rédigea plusieurs récits de voyage comme « L’ile aux Moines », ou « Chez nous », mais aussi « Au Pays Maraichin. Contes et fantaisies », « Flacons d’histoires odeurs assorties »  et une comédie en prose « L’épicier malgré lui ». Il publia également le roman « L’abbé Marc de Maunys » et le récit « M. Jacques Durand, officier d’Académie, mœurs bourgeoises d’une petite ville » où son esprit décadent prend plaisir à la satire des institutions du mariage et de la religion. Enfin, L’écrivain contribua aux recherches ethnographiques vendéennes, recueillant notamment quelques chansons du Marais Breton et publiant des « Ephémérides Challandaises ».

   Mais Auguste Barrau fut avant tout un poète. Son recueil le plus célèbre « Fleurs d’enfer », paru en 1884, illustré d’une eau-forte d’un autre vendéen installé à Paris, Henri Boutet, présente des textes au réalisme soutenu, augmenté par l’usage d’une ponctuation abondante et répétée, et un certain goût de la névrose qui est la marque de son appartenance aux Décadents. Son collègue challandais Jehan de la Chesnaye disait du poète qu’il était un « éclectique qui manie le matérialisme brutal ». La couleur propre de la poésie de Barrau, portée à sa tonalité maximale dans « La chanson des vers », véritable écho de « La charogne » du maître Baudelaire.

« O ma lectrice névrosée,

Ne flaire jamais ce bouquet

Qui provoquerait ta nausée

Ou te donnerait le hoquet. »

   Auguste Barrau fut une voix tout à fait originale de la poésie vendéenne, en même temps qu’un reflet d’une époque, celle de la bohème parisienne. Il mourut à Challans en février 1941.